Dire, parler et s’exprimer
Il est, communément, admis que la pensée use de la parole pour s’accomplir et évoluer. Dans cette configuration, la parole se contente de matérialiser la pensée et de favoriser son déploiement. Mais dans ce déploiement même, la parole résiste et le processus de la pensée paraît souvent résulter de cette opposition où l’expression est rétive à la traduction de l’idée. Ainsi le rapport entre les deux ni n’est ni collaboratif ni simplement oppositionnel.
Pour dégager tout ce qu’il met en jeu, il faut étudier sa dynamique dialectique pour révéler les limites des prétentions de la pensée à soumettre à son diktat la parole tout en soulignant l’impossibilité de toute parole à échapper, même dans son silence et son isolement, au procès de la signification et de la pensée. La réflexion sur la parole ne peut se contenter de la vision commune comme elle ne peut souscrire naïvement aux allégations de la raison qui croit pouvoir tout expliquer et tout distinguer. Elle doit reconnaître que la parole défie la pensée et l’oblige à la questionner comme une énigme insoluble et indépassable et ce même quand la parole se refuse à la pensée. Elle ne l’annule pas, mais l’ouvre au contraire sur ce qu’elle a tendance souvent à oublier ou à éviter : la pensée du mystère et de l’énigme qui ouvre l’esprit sur l’étonnement pour pouvoir à la fois interroger et célébrer tout ce qui se refuse aux catégories restreintes de l’analyse rationnelle.